Communiqué des Horaces sur l’intervention d’Emmanuel Macron du 5 décembre 2024
Suite à la censure du gouvernement de Michel Barnier, le président de la République s'est adressé au pays le 5 décembre. En tant que juristes, constitutionnalistes et praticiens de l'action publique, dans l'administration comme au parlement, les membres des Horaces ont choisi de partager quelques réflexions sur cette intervention et sur ce qu'elle recèle.
Nous souhaitons rappeler que, comme en dispose l'article 5 de la loi fondamentale, « le président de la République veille au respect de la Constitution ». De son côté, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » comme précisé par l'article 3.
De même, la censure n'est pas une invention insérée par accident ou mégarde dans un texte gaullien. Malgré la volonté de Michel Debré et du général de Gaulle d'établir une « monarchie républicaine » et un parlementarisme rationalisé, il n'a jamais été question, pour les pères fondateurs de la Constitution, de rompre avec le fondement démocratique de notre société politique ni avec le contrat de confiance qui unit une majorité au Gouvernement de la nation. C'est pourquoi le mécanisme de la censure est prévue, depuis l'origine, dans l'article 49 alinéa 2 du texte. Comme chacun s'en souvient, cette faculté a déjà été utilisée le 4 octobre 1962 pour mettre en minorité le premier gouvernement de Georges Pompidou sur la question de l'élection du président de la République au suffrage universel.
Voilà donc les piliers constitutionnels qui encadrent et organisent le débat autour de la censure du gouvernement de Michel Barnier et les suites qu'il convient d'y apporter.
Lors de son intervention du 4 décembre au soir, le président Macron est sorti de cette épure institutionnelle. Sa mise en cause de 331 députés qui se seraient rendus coupables d'un « front anti-républicain » pour avoir recouru à l'article 49 alinéa 2 constitue pour le chef de l'État une faute lourde. Or, voter la censure comme ne pas la voter n'est, en soi, ni républicain ni anti-républicain. Ce qui serait anti-républicain, ce serait en revanche de dénigrer un outil constitutionnel prévu depuis l'origine de la Vème République et de faire de la représentation nationale une institution délibérative, incapable d'exercer ses responsabilités légitimes conformément à l'esprit des lois et à la séparation des pouvoirs.
Emmanuel Macron a appelé également à la constitution d'un « Gouvernement d'intérêt général ». Curieuse formule qui laisserait donc à penser que les autres ne l'étaient pas ou l'étaient moins. Or, comme l'explique Max Weber, dès lors que, dans une société, la légitimité du pouvoir repose sur la raison, les citoyens n'acceptent de se soumettre aux décisions des gouvernants que parce qu'ils les jugent conformes à l'intérêt de tous et de chacun. Emmanuel Macron devrait prendre garde aux innovations sémantiques mal maîtrisées : si l'intérêt général peut être invoqué pour légitimer l'action politique, les seuls à pouvoir en apprécier la réalité demeurent les représentants du peuple. Tout autre regard constituerait une trahison de la démocratie, de l'équilibre des pouvoirs et donc de la Constitution.